Harmonisation des régimes

Le développement progressif et sectoriel de l'assurance pension engendrant bon nombre de particularismes a posé le problème de la coordination nationale des régimes de pension.

Ainsi la loi du 16 décembre 1963 a pour objet de résoudre les problèmes que pose l'affiliation successive ou alternative d'une personne à divers régimes de pension. La nécessité d'établir une coordination des régimes de pension résulte du fait que chaque organisme de pension subordonne l'octroi des prestations à l'accomplissement d'un stage d'affiliation d'une certaine durée et au maintien des droits jusqu'à la résiliation de l'événement qui donne lieu à pension. Lors du passage d'un régime à un autre, il se peut donc que ces conditions ne soient pas remplies et que l'intéressé soit privé de tout droit de pension ou perde le bénéfice d'une partie de sa carrière d'affiliation. La loi de 1963 pose que les périodes d'affiliation auprès de tous les régimes de pension sont totalisées comme si elles étaient réalisées auprès d'un même organisme. Les conditions de stage et de maintien des droits sont donc appréciées par chaque organisme d'après sa législation sur la base de l'ensemble de la carrière assurée.

La loi unique du 13 mai 1964 a eu pour objet l'amélioration des régimes de pension et a introduit le principe de l'ajustement des pensions dans le régime des salariés. Cette loi constitue l'une des plus importantes en matière d'assurance pension contributive. Elle a établi certains principes qui sont encore applicables de nos jours. La composition et le calcul des pensions sont uniformisés dans tous les régimes et le financement des différents régimes est aligné. Enfin la loi unique introduit le principe de l'ajustement des pensions au relèvement du niveau de vie dans le régime des salariés. Ce principe a été étendu progressivement aux artisans (loi du 5 août 1967), aux commerçants et industriels (loi du 4 février 1970) ainsi qu'aux exploitants agricoles (loi du 14 février 1974).

Des améliorations substantielles ont été obtenues par la loi du 25 octobre 1968 qui a introduit les majorations spéciales en cas d'invalidité ou de décès précoces dans les régimes de pension contributifs. Le relèvement des pensions insuffisantes par suite de l'invalidité ou du décès prématuré est obtenu par l'addition de périodes d'assurance fictives aux périodes d'assurance effectives jusqu'à l'accomplissement de l'âge de référence de l'assuré fixé à 55 ans. En outre, la loi prévoit un allégement des conditions d'octroi de la pension d'invalidité et de survie.

De même la loi du 28 juillet 1969 apporte une amélioration supplémentaire au régime de pension en instituant un régime d'achat rétroactif de périodes d'assurances auprès des régimes de pension des salariés et des indépendants. Cette mesure tient compte du fait que lors de la création d'un régime de pension les personnes ayant déjà atteint un âge avancé n'ont pas eu la possibilité d'accomplir le stage d'assurance requis par la loi ou bien ne touchent qu'une pension inférieure à celle qui résulterait d'une carrière d'assurance normale. La loi de 1969 consacre le principe du rachat dans tous les régimes de pension contributifs. Jusqu'alors seuls les employés privés pouvaient bénéficier de cette faculté.

Des modifications et mesures d'harmonisation ponctuelles ont été apportées par les lois du 3 septembre 1972 et du 14 mai 1974 dans les régimes de pension contributifs. La loi du 3 septembre 1972 a introduit une condition de stage supplémentaire, à savoir une condition de résidence de 15 ans, en vue de l'octroi de la part fondamentale intégrale à charge de l’État et des communes. Elle prévoit une uniformisation du stage d'assurance pour l'octroi tant de la pension de vieillesse que de la pension d'invalidité dans et entre les différents régimes de pension contributifs. Enfin, elle a fait disparaître la proratisation de la part fondamentale en cas de migration interne et a créé un nouveau mode de répartition des charges entre les organismes pour les parts fixes autres que la part fondamentale. La loi du 17 mai 1974 a apporté des améliorations substantielles au régime d'assurance pension, parmi lesquelles figurent notamment celles relatives au relèvement de la pension minimum ainsi que l'adaptation des majorations spéciales dues en cas d'invalidité précoce.

En outre la loi a introduit, en matière d'invalidité, des mesures destinées à garantir à l'assuré invalide une meilleure continuité de la prise en charge par les organismes de la sécurité sociale.

L'ajustement a engendré de graves disparités financières entre les différentes caisses. D'un côté, l'établissement d'assurance contre la vieillesse et l'invalidité et la caisse de pension des artisans accusent un découvert important dans le financement de l'ajustement. De l'autre côté, la caisse de pension des employés privés et celle des commerçants et industriels enregistrent un excédent pour ce même élément. Au regard de ces problèmes financiers, la loi du 27 décembre 1975 a introduit un système de compensation entre les régimes de pension contributifs pour les charges de l'ajustement des pensions au niveau des salaires. Le législateur a recherché une mise en compte plus équitable des charges d'ajustement dans le cadre de l'assurance migratoire et a créé une communauté de risque pour le financement de l'ajustement.

Pareillement en raison de problèmes financiers, engendrés par une situation démographique alarmante à cause de la proportion élevée de personnes âgées et de la régression des assurés actifs, la loi du 23 décembre 1976 a prévu la fusion de la caisse de pension des artisans et de celle des commerçants et industriels dans une seule caisse.

La fusion des deux caisses constitue par ailleurs une étape en vue de la réforme générale des régimes de pension. Dans cette même voie, la loi du 29 mars 1979 a réalisé une harmonisation complète du régime de pension agricole avec les autres régimes de pension contributifs.

La loi du 31 juillet 1980, de son côté, apporte une amélioration considérable au régime de pension. Elle introduit des mesures qui visent la revalorisation des pensions inférieures aux minima inscrits dans les régimes de pension contributifs pour certaines catégories de bénéficiaires de pension qui peuvent se prévaloir de périodes d'activité professionnelle non soumises à l'assurance obligatoire. Il s'agit principalement des générations d'entrée des assurés qui au moment de la création de leur régime de pension ou au moment de leur affiliation obligatoire avaient déjà atteint un certain âge de sorte qu'ils n'ont pas pu accomplir les stages prescrits pour l'obtention des pensions minima.

Les problèmes financiers rencontrés par certaines caisses de pension proviennent du fait que les modalités de financement datent du début des années 60 et n'ont pas subi de révision fondamentale, bien que les conditions économiques et la structure démographique aient connu de profondes modifications depuis lors. Ainsi la loi du 23 mai 1984 a entrepris une refonte complète des modalités de financement de l'assurance pension contributive afin de les adapter dans la mesure du possible aux contraintes économiques et démographiques actuelles et futures. Elle a introduit une communauté de risque généralisée. Dans la mesure où la loi maintenait la structure administrative des quatre caisses de pension, cette communauté de risque était réalisée par des transferts de compensation entre les quatre caisses. En outre, un système de financement unique couvrait l'ensemble des charges du régime d'assurance. La nature mixte du financement était conservée, c.-à-d. les charges du régime étaient couvertes, d'une part, par des cotisations prélevées sur les revenus professionnels des assurés et, d'autre part, par une participation directe des pouvoirs publics. Toutefois, au lieu de se faire au niveau des prestations, cette participation se faisait dorénavant au niveau des ressources.

L'évolution de l'harmonisation et l'uniformisation des régimes de pension contributifs s'achève avec la loi du 27 juillet 1987. La loi a créé un régime contributif unique d'assurance pension en cas de vieillesse, d'invalidité et de survie en fusionnant les quatre régimes de pensions contributifs. L'autonomie de gestion des caisses de pension est maintenue car celles-ci restent compétentes pour les groupes socio-professionnels couverts par elles. Simultanément, elle réalise des améliorations dans la protection sociale dans des situations concrètes bien définies, notamment par l'introduction de "l'année bébé". L'objectif à long terme consiste à freiner l'augmentation du coût du système de protection en matière de pensions, compte tenu de l'évolution démographique et économique. Aussi le Gouvernement affichait sa volonté de veiller à ce que l'évolution des régimes contributif et statutaire se poursuive, de sorte que le clivage entre les deux se dissipe et disparaisse progressivement.

Compte tenu de l'introduction par la loi de 1987 d'un régime contributif unique d'assurance pension, les dispositions de la loi de 1963 ayant pour objet la coordination des régimes de pension ont été rendues caduques dans une large mesure. La loi du 22 décembre 1989 a procédé à une nouvelle définition précise et claire des droits et devoirs incombant à chaque caisse de pension en cas d'assujettissement d'un assuré à plusieurs régimes.

Enfin, en vue de modifier structurellement les pensions du régime contributif dans le sens d'une plus grande justice distributive et de rapprocher progressivement les régimes contributif et statutaire, différentes améliorations structurelles aux pensions du régime contributif ont été apportées par la loi du 24 avril 1991, notamment par l'introduction du droit à une pension de vieillesse anticipée à l'âge de 57 ans. La transformation de l'avance sur ajustements futurs de 7% inscrite dans la loi du 27 juillet 1987 en une amélioration structurelle définitive, l'augmentation de l'ordre de 10% de toutes les pensions, la modification du mode de calcul des futurs ajustements et le relèvement du plafond cotisable constituent les éléments essentiels de l'essai du rapprochement des pensions des deux régimes.

Par la loi du 3 août 1998 le législateur a institué des régimes de pension spéciaux (qui s'apparentent cependant largement au régime général du secteur privé) pour les agents du secteur public, qui sont entrés en service après le 31 décembre 1998. Les agents qui étaient en service à cette même date voient leur ancien système statutaire aboli et soumis à un régime spécial transitoire.

Le 1er avril 2000, le Gouvernement a chargé le Bureau international du travail d'une étude sur la situation actuarielle et financière du régime général de pension. Cette étude, présentée en février 2001 aboutit à la conclusion que les calculs sous le statu quo montrent que la situation financière du régime général d'assurance pension du Luxembourg est saine. À la suite de la publication du rapport du BIT le Gouvernement a réuni au sein d'une table ronde sur les pensions les représentants des groupes parlementaires et des partenaires sociaux. Les conclusions retenues lors de cette table ronde ont été traduites dans la loi du 28 juin 2002 qui prévoit une augmentation linéaire des majorations forfaitaires de 11,9%, l'allocation d'un complément de fin d'année, l'augmentation du taux des majorations proportionnelles de 1,78 à 1,85%, l'introduction d'une augmentation échelonnée en fonction de l'âge et de la carrière d'assurance, le relèvement des pensions minima au niveau du salaire social minimum en valeur semi-nette, le relèvement du taux d'immunisation du revenu minimum garanti à 30% pour les personnes actives et pensionnées, l'attribution des pensions de conjoint survivant à 100% si la pension est inférieure au niveau de la pension minimum, l'abrogation des dispositions anti-cumul en cas de concours d'une pension de conjoint survivant avec une pension d'orphelin, l'extension des baby-years pour les naissances antérieures au 1er janvier 1988; l'introduction d'un forfait d'éducation accordé aux femmes qui n'ont pu bénéficier des "années bébés".

La loi du 21 décembre 2012 portant réforme de l'assurance pension a apporté certaines modifications en matière d'assurance pension afin d'assurer la viabilité et la consolidation financière à long terme du régime dans le contexte d'une espérance de vie accrue des bénéficiaires dans un système qui approche l'état de maturité.

La susdite loi a pour objectif d'inciter les assurés à prolonger leur vie active. Elle ne vise pas à diminuer de façon pure et simple les prestations des assurés ou de recalculer impérativement l'âge légal de la retraite des assurés mais les incite à adapter leur comportement en conformité avec un environnement qui change. Un assuré qui part plus tard en retraite et qui perçoit donc moins longtemps sa pension aura droit à des prestations plus élevées. Un assuré qui part plus tôt pourra profiter d'une pension moins élevée plus longtemps.

Cette loi a également rendu la législation en matière de cumul d'une pension avec un salaire moins restrictif. Ainsi le cumul d'une pension et d'un salaire est possible jusqu'au plafond fixé à la moyenne des cinq revenus annuels cotisables les plus élevés.

En outre, la loi du 21 décembre 2012 portant réforme de l'assurance pension a introduit une différenciation entre d'une part le mécanisme de revalorisation des salaires inscrits dans la carrière de l'assuré lors du calcul de la pension, à savoir pour l'actualisation des salaires inscrits dans la carrière en valeur année de base 1984 au niveau des salaires de l'économie au moment du calcul de la pension et d'autre part celui qui consiste à ajuster au fur et à mesure, au cours de la retraite, le niveau des pensions à l'évolution des salaires. Ainsi, le terme de " revalorisation " est utilisé dans le contexte de l'inscription des salaires et des revenus dans la carrière en valeur de l'année 1984 et lors du calcul initial de la pension au moment de l'octroi de la pension et le terme de " réajustement " est utilisé pour ajuster les pensions en cours à l'évolution des salaires.

(Source: Inspection générale de la sécurité sociale - Droit de la sécurité sociale 2013)

Dernière modification le